story of my life
C« Nous ne sommes qu’un simple passage sur terre. La mort est une chose normale. Pourtant, lorsqu’elle nous touche au plus profond de nous même, c’est comme si nous avions tout perdu. Comme si nous étions morts aussi. »
Jules n’avait jamais eu à se plaindre de ses parents ou de sa famille. Fils unique, il avait toujours eu ce qu’il voulait, il avait toujours travaillé pour lui. Fils d’une avocate suédoise et d’un médecin généraliste, il fut dès sa jeunesse, trainé dans les études. Bien sûr on lui autorisait quelques passages à vide, mais il lui fallait de la rigueur, du travail, de l’attention et surtout des résultats. Grâce à ses facilités, il réussit facilement le collège et le lycée. Ce ne sont que des broutilles dans sa vie, c’est bien pour cela que je vous les passe sous silence. Quand on a une enfance normale, il n’y a pas grand-chose à dire. On se lève, on mange, on va à l’école. On revient, on fait les devoirs, on remange et on dort. C’est un cycle sans fin jusqu’à l’obtention du diplôme. C’est après que ça se gâte pour Jules.
On diagnostiqua à sa mère, une tumeur au cerveau. Personne ne sut jamais pourquoi elle, après tout, elle avait toutes les qualités requises pour ressembler à la femme parfaite. Aux yeux de Jules en tout cas. Toujours là quand il avait besoin de soutien, toujours là à l’écouter, à l’aider. Elle était tout simplement parfaite et elle ne pouvait pas, elle n’avait pas le droit de se faire avoir par une saleté de tumeur. Mais la vie n’écoute pas Jules. Sa mère décéda à la suite de l’opération. Ils ont appelés cela une rechute. Jules perdit alors toute confiance en lui. Mais pour éviter que cela arrive à d’autres personnes, il se lança dans des études d’infirmiers. Il n’avait jamais souhaité être un médecin comme son père. Non, il souhaitait être là, à aider les autres, mais ne pas être enfermé dans un bureau ou dans une salle d’opération sans voir le patient. Il souhaitait l’accompagner, l’aider.
Durant ses trois années de formation donc, il passa par plusieurs cases. De la psychiatrie à la pédiatrie, ce fut finalement ce secteur qu’il choisit. Il souhaitait aider les enfants parce qu’il n’acceptait pas qu’on puisse enlever une vie à un être à peine né. Il passa donc son diplôme avec succès. C’est quand il sortait de la salle bondée par le monde et l’excitation d’avoir enfin terminé les études, qu’il la bouscula.
Elle n’était pas grande. Blonde aux yeux bleus, elle ressemblait étrangement à sa mère. Les cheveux cours, elle avait un sourire aux lèvres malgré le fait qu’il venait de la bousculer.
« Excuse moi, je t’avais pas vu. J’étais un peu distrait. » Jules l’aida à se relever et elle remit ses cheveux en place. Elle était si belle.
« Pas de problème. Je suppose qu’avoir son diplôme et ne plus aller à l’université, ça te change la vie hein ? Je suis Alexandria, je suis en première année de médecine. Tu me payes un verre ? » Ce fut le jour de leur rencontre. Le jour où Jules sut que c’était elle. Qu’il voulait vivre avec elle, tout le reste de sa vie. Ils ne se quittèrent pas la nuit. Ni le lendemain. Ni le reste des jours. Il n’avait que vingt-et-un ans, mais il ne doutait pas d’elle. En une seule soirée, elle avait attrapé son cœur, et il ne souhaitait pas spécialement le récupérer. Il attendit une année avant de la présenter à son père. Chose qu’il regretta profondément ensuite. Son père ressemblait bien plus à un ivrogne qu’au médecin exemplaire qu’il avait connu toute sa vie. Prêt à essayer de l’aider à s’en sortir, Jules tenta de lui parler. Malheureusement, tout lien fut coupé lorsqu’il lui dit de partir et de le laisser seul. Jules pensa que finalement, c’était ce qu’il méritait. Toute sa vie il l’avait obligé à vivre pour les études et non pour lui. Il était passé à coté des fêtes, des soirées entre amis pour lui. Pour qu’il soit fier de lui et aujourd’hui, il ne voulait pas de son aide. Qu’il reste. Ce fut la dernière fois qu’il vit son père.
Ne souhaitant plus rester vivre aux Etats-Unis, Jules et Alexandria déménagèrent en Alaska pour vivre à Sitka. Il avait la chance d’avoir trouvé un poste à l’hôpital. On lui proposait carrément de reprendre la place de l’ancien chef des infirmiers de pédiatrie. Il n’avait que vingt-trois ans, mais il était certain qu’il pouvait le faire.
C’est ainsi, qu’ils entrèrent dans une routine. Il se décida enfin à la demander en mariage après cinq ans de vie commune. Elle accepta directement. La vie continua, jusqu’au jour, où sortant de la salle de bain, Alexandria n’avait plus son sourire. Non, elle pleurait. Les yeux relevés vers son mari, elle lui annonça tout simplement un :
« Je suis enceinte. » Comme un cheveu sur la soupe. Jules avait vingt-huit ans.
L’accouchement fut plus compliqué que prévu, mais au bout d’interminables heures (dix-neuf en tout), Ellia arriva enfin. Lorsqu’il tenu sa fille pour la première fois dans ses bras, il se promit de toujours la protéger. C’était certes, un cliché de tous les pères, mais il s’en fichait. C’était sa fille. Il ne la laisserait jamais seule.
La vie aurait pu rester ainsi. Figée dans le temps, ils auraient pu rester heureux à trois. Mais non, il fallait qu’un nouvel événement vienne basculer de nouveau la vie de Jules. Mais cette fois, il n’était pas sur de s’en sortir vivant.
Alexandria retourna voir sa famille à Phoenix. Jules n’ayant pas pu poser des vacances, il resta avec Ellia, seul pendant une semaine. Une simple semaine. Et puis la nouvelle tomba. Crash de l’avion vers Sitka. Trente personnes de décédés. Dont Alexandria.
Aucunes larmes de son corps ne purent sortir. Il n’arrivait pas à se rendre compte de ce qui se passait. Comment c’était possible. Pourquoi elle et pas lui ? Pourquoi ? Pourquoi…. Ce mot n’arrêtait pas de résonner dans sa tête. Le soir quand il rentra chez lui, il retrouva sa belle petite fille de trois ans qui lui courut dans les bras et qui lui demanda quand rentrerait sa maman. Que dire ? Jamais. Elle était partie pour un long voyage au ciel. Un voyage où elle ne pourrait jamais revenir.
Il décida pour oublier, pour tenter d’oublier, de se donner tout son temps à son travail. Ses collègues savaient et tentèrent de le calmer mais c’était impossible. La douleur était trop forte, trop présente, il fallait qu’il fasse quelque chose, pour s’aider… On lui proposa de faire une pause à son travail et en échange qu’il fasse des interventions auprès d’élèves qui reprenaient leurs études. Ainsi, il aurait aussi plus de temps pour s’occuper de sa fille. Il accepta sans grande conviction. Après tout, il avait déjà tout perdu, qu’est ce qui pouvait lui rester a part Ellia ?